Pierre Berville

Rencontres de Bongoût 09 avril 2024
Pierre Berville

DE LA PUB AU POLAR

Créatif d’exception, concepteur d’un grand nombre de campagnes à succès, il entre dans la Pub dans les années 70/80. Pierre Berville passe par les plus belles agences, avant de créer Callegari Berville qui devient rapidement la première agence indépendante française. En 2000, il la cède au groupe GREY, il devient co-président de l'agence pour la France. Il quitte le monde de la publicité quelques années plus tard. C’est chez CLM, alors dirigé par Philippe Michel, qu’il conçoit, pour l’Afficheur Avenir, la campagne Myriam (du nom du mannequin Myriam Szabo). La campagne en trois affiches : « j’enlève le haut », « j’enlève le bas » et « Avenir, l’afficheur qui tient ses promesses », est certainement la plus buzzée de l’histoire de la publicité. « j’enlève le haut », qui raconte les dessous de l’âge d’or de la publicité, est également le titre de son premier livre en tant qu’auteur. Épicurien passionné, il dévore la littérature gourmande. Pierre Berville nous livre quelques recettes de son succès.

Pierre Berville

BG: Quelle est votre analyse du monde la publicité aujourd’hui ?
PB : Entre le moment où j’étais très actif fin 2000 et aujourd’hui, les métiers de la communication ont considérablement changé dans leur fonctionnement et leur technologie. L’état d’esprit reste le même, la communication aujourd’hui comme hier tire ses valeurs d’être un fournisseur d’idées. Ça devrait même s’accentuer, tellement les points de contacts entre une marque et ses publics sont nombreux et impliquent qu’on les fédère avec quelque chose d’efficace qu’on appelle l’idée.

BG: En même temps tout a changé dans les habitudes de travail…
PB : J’ai rencontré des jeunes qui parlent de « détravail ». On ne cherche pas à gagner davantage, car plus on gagne, plus on est tenté de consommer et c’est mauvais pour la planète. On a besoin d’autonomie, de confiance, de pouvoir gérer son temps, comme son lieu de travail. A priori ça semble fonctionner !.

BG: La véritable révolution, n’est-ce pas la techno ?
PB : La techno a changé beaucoup de choses. Derrière son écran vidéo, le créatif et l’annonceur peuvent suivre la production d’un film à l’autre bout du monde. C’est devenu un autre métier. Et puis, au-delà de l’évolution des organisations, le métier est soumis à la police des idées.

BG: Pouvez-vous nous affranchir ?
PB : Les annonceurs sont devenus plus préoccupés d’éviter le « bad buzz » que de trouver une idée qui démarque. Le métier perd beaucoup de sel dans ce monde de contraintes qui devient paralysant.

BG: Aujourdhui la campagne Myriam serait-elle possible ?
PB : Je crains que non. Dénuder une femme dans ce qu’on pourrait qualifier de strip tease sur des affiches choquerait les associations féministes. Pourtant cette campagne a été lancée en 81 et Mitterand créait le premier ministère des droits de la Femme. Je crois pourtant que tout réside dans la qualité de l’exécution. Le bon photographe, la bonne lumière, le bon mannequin.. et l’on quitte le vulgaire pour la suggestion créative qui fait vendre.

BG: Vous pensez que la peur a pris le pas sur la création et les idées ?
PB : Aujourd’hui, il faut la jouer sociétal et écolo quel que soit le Brief, mais ça n’a rien à voir avec faire désirer une marque. Les annonceurs sont très naïfs de croire que sans impertinence, en racontant la même histoire que tout le monde, on va intéresser les gens.

 

Le bon photographe, la bonne lumière, le bon mannequin... et l’on quitte le vulgaire


BG: Et l’espace publicitaire ?
PB : Phénomène marquant également avec le 21eme siècle, l’hyper concentration des agences et l’arrivée des cost controllers. On paye de moins en moins les idées au profit de l’achat d’espace. C’est pourtant la qualité de la création qui impacte, plus que la répétition d’une mauvaise campagne.

Pierre Berville

BG: Vous êtes devenu un auteur de romans à succès.
PB : Encouragé par le succès de mon premier livre « j’enlève le haut », j’ai franchi le pas il y a quatre ans. J’ai toujours adoré la littérature de genre. Je me suis lancé dans un premier roman de fiction, un polar : « La ville des Ânes ».

BG: D’où vient ce nom ?
PB : Au Moyen Âge, Asnières était la ville où l’on élevait les ânes. J’ai grandi dans le 92 et je voulais que mon roman se passe à Asnières, une ville de contrastes entre le siège historique de Vuitton, les bobos, les bourgeois et un côté encore très populaire. On trouvait encore des bidonvilles à proximité, il n’y pas si longtemps.

BG: Votre héros est un notaire, c’est peu courant dans les séries noires !
PB : Pourtant les notaires, comme les policiers, sont parfois au coeur de véritables intrigues policières, ils sont au centre des affaires de famille.

BG: Que raconte « La Ville des Ânes « que vous avez présenté avec réussite au Salon du polar à Lyon cette année.
PB : Ce salon est devenu la Mecque du polar. L’histoire : un promoteur à succès, chute du dernier étage de sa tour en cours d’achèvement à La Défense. Son ami d’enfance et notaire va chercher des réponses et plonge au coeur des mystères du passé.

BG: Savez-vous comment cela finit avant de démarrer l’écriture ?
PB : Oui, afin d’orienter la trajectoire des personnages. Je reste dans un cadre défini avec l’ambition de faire plaisir à mes lecteurs.

BG: Avez-vous vous un modèle d’auteur ?
PB : L’auteur américain Donald Westlake qui mêle le roman noir et l’humour.

BG: Comme la publicité le monde de l’édition a profondément changé.
PB : Amazon a changé la donne, comme Deezer en son temps dans la musique. Je suis à nouveau entrepreneur, et auto-éditeur en partenariat avec Amazon qui devient un acteur principal de ce marché. Il a développé un process « print on demand ». Il imprime les livres quand ils sont vendus et les livre en 24h chez le client. Je reviens ainsi à mon ancien métier de communicant, en assurant la campagne, la promotion et les relations publiques de mon livre. J’en assume tous les risques et j’en ai tous les gains aussi.

BG: C’est la mort annoncée des libraires ?
PB : Avant on imprimait une quantité de livres que la maison d’édition mettait en rayon chez les libraires. Avec plus ou moins de promotion et d’engagement. L’éditeur reprenait au bout d’un certain temps les invendus pour les mettre à la benne. Pas très écolo tout ça…. Pour autant j’adore les libraires, c’est souvent chez le libraire que le lecteur a le coup de coeur pour un titre ou une couverture et c’est chez lui que l’on rencontre ses lecteurs lors d’une séance de dédicace. Il faut les deux. D’ailleurs j’imprime chez Amazon des exemplaires que je place chez des libraires. A ce jour, « La Ville des Ânes » s’est vendu au 2/3 sur Amazon et 1/3 en librairie. Je pense que les grandes sociétés d’édition doivent se remettre en question. Mais je suis persuadé qu’il reste encore des éditeurs formidables. Qu’ils se manifestent !

BG: Quelle est votre relation à la table ?
PB : La table c’est énorme et fondamental. Je suis un gourmand. La table c’est un peu comme l’écriture. J’adore cuisiner et j’adore lire des livres de recettes. Il existe une véritable littérature de la table, depuis Alexandre Dumas, en passant par Curnonsky, La Reynière ou encore Ottolenghi. Gourmand, je cherche à me cultiver sur les produits, leurs origines, les recettes pour les accommoder. Ça stimule l’imagination en même temps que les papilles.

BG: Regardez-vous les émissions de TV type Top Chef ?
PB : Oui et elles ont sur moi un effet hypnotique. Je ne décroche pas de l’émission. J’aime le talent, l’audace, la qualité d’exécution, les commentaires des Chefs.

BG: Aimez-vous cuisiner ?
PB : J’adore cuisiner. Autre point commun avec l’écriture, on ne dérange pas les gens qui créent. En cuisinant ou en écrivant, j’ai une paix royale.

BG: Quelle cuisine aimez-vous particulièrement ?
PB : Du fait de mes origines méditerranéennes, j’aime cette cuisine du soleil et de la mer, les épices. Et j’ai le souvenir qu’elle était le moyen le plus chaleureux de communiquer avec ma mère qui la cuisinait à merveille.

BG : Et le vin ?
PB : Je me suis fait ma culture du vin. J’ai découvert les Côtes-du-Rhône et le Châteauneufdu- Pape, mais également les vins autour de Grignan, où je suis souvent. J’adore les Bourgogne et les grands Bordeaux, certains vins argentins ou chiliens aussi. Par contre, je déteste la Syrah sauf dans la Côte-Rôtie. Et puis comme je ne tiens pas l’alcool, mes limites m’imposent d’être sélectif. Je bois donc peu mais du bon. Les grands vins n’ont pas attendu la biodynamie pour être plus digestes.

BG :Où peut-on vous retrouver à table ?
PB : Autour de chez moi à Neuilly, j’aime le Zinc Zinc avenue Charles de Gaulle, sa cote de boeuf et ses frites croustillantes ou encore ses plats bonne femme , Livio rue de Longchamps et sa cuisine italienne, Focly avenue Charles de Gaulle, pour ses saveurs chinoises traditionnelles. A Paris, je vais régulièrement au Grand Véfour de Guy Martin, dans sa nouvelle version brasserie ou au bistrot Paul Bert dans le 11éme arrondissement, pour son steak au poivre, glace de veau, flambé au cognac, incomparable.

BG: Avez-vous des souvenirs mémorables à table ?
PB : Le plus grand, c’est certainement chez Chapel à Mionnay(01), un génie cet hommelà. Je m’y arrêtais souvent en remontant du Midi. Un jour j’étais avec mon fils de trois ans, je demande si on peut lui faire une purée de légumes. Je me souviens du sourire de mon fils me disant, c’est délicieux papa, un bonheur. Je me souviens aussi de grands moments chez Troisgros à Roanne ou chez Pic à Valence. J’aime d’ailleurs beaucoup le bistrot André par Anne Sophie Pic.

BG: Et la table et le business ?
PB : Les meilleures rencontres se font à table. Ça crée de la complicité, c’est un lieu d’échanges et de partage. Je pense que les grandes sociétés d’édition doivent se remettre en question. Mais je suis persuadé qu’il reste encore des éditeurs formidables. Qu’ils se manifestent !

Pierre Berville

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