Salwa Philibert

Rencontres de Bongoût 26 mars 2024
Salwa Philibert

SALWA PHILIBERT
Sous-Préfète en charge de la politique de la Ville dans le Département du Rhône

La table est un symbole de la Préfecture. Elle incarne cette faculté dont dispose l’État de mettre autour de la table l’ensemble des partenaires de tous bords pour échanger et lever certains freins par le dialogue et l’échange.

BG : Votre histoire ressemble à un conte de fée !
SP : Petite, rien ne me prédestinait à devenir Sous-Préfète, en premier lieu mes origines. Berrichonne, je nais à Vierzon de parents issus de l’immigration. Mon père est ouvrier et ma mère assistante maternelle. Je grandis à Vierzon, avec mes six frères et soeurs dans un « quartier populaire », c’est à dire un quartier où la politique de la ville vise à réduire les inégalités. Mes parents nous éduquent avec l’idée que l’école est l’institution qui nous permettra d’ouvrir toutes les portes et d’être « maître » de son avenir. Plutôt bonne élève, je grandis à travers les livres, qui me font voyager. J’ai deux rêves : être médecin ou avocat pour l’armée.

BG : Quel est votre parcours ?
SP : Mon parcours est le fruit de belles rencontres notamment durant ma scolarité, avec des professeurs, qui m’inspirent, me guident et me convainquent que je suis faite pour aider les autres. Après mon Bac, je pars à Orléans « faire mon Droit » à la faculté. Et puis, j’ai toujours été attirée par l’ordre, la rigueur et l’armée. Je décide d’y rentrer par la grande porte. Après mon DEA (Diplôme d’Études Approfondies), j’intègre Saint Cyr avec l’envie de servir mon pays. J’étais déjà convaincue par le modèle républicain français. Si j’avais grandi de l’autre côté de la Méditerranée, je n’aurais probablement pas eu les mêmes possibilités, les mêmes chances, ni les mêmes rêves. A l’issue de ma formation militaire, je rejoins la Direction des Affaires Juridiques du Ministère de la Défense où je sers en France et au Kosovo en opération extérieure avec la onzième brigade parachutiste et la légion étrangère. Pendant 6 mois, j’y exerce les fonctions de Legal adviser sous mandat OTAN auprès du général dirigeant la Multinationale Task Force Nord à Novo Selo. Une merveilleuse expérience humaine, qui m’a notamment value le titre de reconnaissance de la Nation. Fin 2009, je rejoins l’administration pénitentiaire en qualité de responsable du service des ressources humaines du centre de détention de Châteaudun (28). C’est la force de notre administration, nous sommes titulaire d’un grade et non d’un poste, ce qui permet de s’essayer à d’autres fonctions, de sortir de sa zone de confort et surtout de monter en expertise. Au sein de la pénitentiaire, je rencontre des hommes attachants avec l’envie de faire « évoluer » les choses. Durant près de cinq ans, j’ai $ travaillé, pour eux, à leurs côtés et je suis fière d’avoir notamment contribué à améliorer leurs conditions de travail et d’avoir fortement réduit l’absentéisme. J’ai toujours prôné la liberté de parole et mis l’humain avant tout et au coeur de tout. Je quitte la pénitentiaire suite à la réussite du concours de l’Institut Régional de l’Administration de Nantes. Major de promotion, je rejoins la Caisse des Dépôts et Consignations. Toujours dans l’idée de servir mon pays et ses valeurs de fraternité, de solidarité et de liberté, je rejoins la direction des retraites et de la solidarité où je prends la direction d’un site isolé en qualité de responsable du service sur trois fonds (Ircantec, Mine et FIPHFP). Deux ans plus tard, je suis nommée directrice au handicap de la région Centre- Val de Loire pour le Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP). J’ai besoin de donner du sens à ce que je fais et dans cette mission j’avais le sentiment de pouvoir contribuer à changer le quotidien des travailleurs en situation de handicap mais également le regard, qui était porté sur le handicap. Fin 2021, suite à de sérieux problèmes de santé, j’éprouve le besoin de me challenger. Et c’est alors que je passe le concours de recrutement direct des Sous-Préfets, auxquels je suis reçue mais sans savoir où le vent allait me porter en France.

Salwa Philibert
Salwa Philibert
Salwa Philibert

BG : Encore un coup du destin !
SP : Je crois que le hasard fait bien les choses et que les rencontres peuvent changer le cours de la vie. Je remplis les conditions requises pour le poste et donc je postule. Le dossier est complexe et dans un délai très court : une nuit, mais j’y mets toute mon énergie et mon envie. J’avais avant tout besoin de me prouver que j’étais encore en capacité de servir mon pays et de me challenger. Contre toute attente, je suis convoquée pour l’oral et je suis reçue puis affectée à Lyon le 31 janvier 2022. Je déménage seule dans un territoire que je ne connais pas, dans un premier temps puis mon conjoint et nos enfants me rejoignent à la fin de l’année scolaire en juillet 2022.

BG : Vous dégagez un formidable enthousiasme et vous transmettez beaucoup d’émotions positives. Quelle est votre plus grande fierté ?
SP : Certainement de garder les pieds sur terre et de ne jamais oublier d’où je viens et ma chance. On peut parfois « tutoyer les étoiles », mais il ne faut jamais oublier que les racines c’est le sol. J’essaie d’inculquer ses valeurs à mes enfants.

BG : Quelle est votre recette du succès ?
SP : L’humain, mais sans jamais se renier. Je me reconnais assez dans la devise que j’ai fait graver sur mon sabre de Saint Cyr car elle traduit une de mes convictions : « Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent », c’est la devise de la Ville d’Orléans. Cela ne me dérange pas de ne pas être appréciée tant que je suis en adéquation avec mes valeurs. Par instinct de protection, j’ai une grosse carapace et ne me livre jamais. J’essaie d’être très présente pour tout le monde et souvent je m’oublie. Je laisse entrer dans « mon monde », uniquement les personnes, qui iront au-delà de l’image que je peux véhiculer.

BG : Exprimez-vous cette passion dans d’autres domaines ?
SP : Oui et toujours par de belles rencontres qui m’ont guidée.

BG : Je crois savoir que vous êtes maître artificier !
SP : Oui, c’est une activité d’intermittent du spectacle que le statut de fonctionnaire permet d’avoir. J’y consacre très peu de temps mais c’est devenu une passion. En organisant mon mariage avec mon mari, qui voulait un feu d’artifice, je me suis liée d’amitié avec l’organisateur, qui m’a enseigné son métier et sa passion. J’ai passé le diplôme et cela fait plus de 18 ans que je l’accompagne sur différents événements. C’est merveilleux de donner pendant une vingtaine de minutes autant de bonheur aux gens, quels que soient leur origine, leur milieu, leur âge. Le temps d’un soir, nous repeignons le ciel de couleurs au son de musiques pour permettre à chacun, le temps d’une soirée, d’oublier ses tracas et difficultés de la vie. Aujourd’hui, je suis très attristée et désemparée lorsque des individus malveillants et irresponsables utilisent les mortiers pour semer la terreur et commettre des actes illégaux en détournant des moyens de plaisir et de rêve.

BG : Et côté table ?
SP : J’adore faire de la pâtisserie et tout particulièrement des macarons. C’est encore une histoire de défi. Lors d’un réveillon de Noël en famille, chacun doit préparer quelque chose. Persuadée que j’étais trop prise par mes fonctions d’officier et que je manquerai de temps, ma belle-soeur me recommande de passer chez Ladurée. J’y ai consacré mon weekend de la recherche de recettes à la confection ! J’ai relevé le défi et ça m’a beaucoup plu, au point de lancer mon entreprise avec un statut d’autoentrepreneur de confection et de vente de macarons. L’objet de ma démarche était surtout social avec l’ambition de permettre à des personnes avec des moyens modestes d’avoir des pyramides de macarons lors de leur mariage, anniversaire, baptême … De ce fait, le vente des macarons ne couvraient que les coûts de revient. J’ai créé de nombreux parfums et fait des heureux, je crois, mais cela occupait tous mes week-ends et j’ai dû mettre l’activité en sommeil fin 2021 avec mes nouvelles responsabilités.

BG :Vous êtes également présente dans de nombreuses associations caritatives, c’est votre manière de renvoyer l’ascenseur à la société ?
SP : Oui, je suis hyper active, je dors très peu et j’aime donner aux autres et faire partager la chance que la vie m’a donnée. Je fais souvent mienne la phrase du père Aurel : « tout ce qui n’est pas donné, est perdu ».

BG : Êtes-vous épicurienne ?
SP : J’ai envie de vous dire, je suis française, donc oui culturellement. En plus j’adore cuisiner. Quand on était jeune avec mon mari, on économisait pour se faire les meilleures tables d’Orléans et alentours, c’était notre plaisir.

BG : Quels sont vos plats préférés ?
SP : Je suis gourmande et curieuse. J’adore voyager et à chaque fois, je m’initie à la cuisine locale. Quand je reviens, j’adore faire des plats pour ma famille ou mes amis et je m’inspire beaucoup des recettes que j’ai découvertes ailleurs. Pour autant, j’adore faire des plats de lasagnes ou de cannelloni dont raffolent mes enfants. J’ai quand même un faible pour les gambas sautées ou la lotte à la crème. Depuis que je suis à Lyon, j’ai découvert un excellent fromager sur les quais de Saône et je suis devenue fan de fromages.

BG : Et les vins que vous aimez ?
SP : Je m’y suis intéressée tardivement. J’apprécie essentiellement les vins blancs et de préférence liquoreux.

BG : La table a-t-elle une place particulière dans votre vie ?
SP : La table est un symbole de la Préfecture. Elle incarne cette faculté dont dispose l’État de mettre autour de la table l’ensemble des partenaires de tous bords pour échanger et lever certains freins par le dialogue et l’échange. Je pense qu’en outre, avec le prétexte de bien manger, on peut aborder tous les sujets et que la bonne cuisine adoucit les moeurs.

BG : Quelle est votre définition du bon goût ?
SP : C’est ce qui va faire plaisir à l’autre.

BG : Un souvenir particulier à table ?
SP : Oui, j’en ai des tas surtout à l’étranger notamment en Polynésie, au Brésil ou encore Thaïlande mais un en particulier, je dirais un dîner au Kosovo. Après une journée très éprouvante, le général avait convié à sa popote sa garde rapprochée. La cuisine n’était pas extraordinaire, mais nous avons ensemble partagé un grand moment d’émotion. C’était presque une réunion familiale, j’étais la seule femme avec des inconnus, compagnons d’arme à des centaines de kilomètre des miens. Pour le temps d’une soirée, les grades, les barrettes et les étoiles étaient tombés. Nous étions juste des hommes réunis par le hasard de la vie autour d’un repas et d’une expérience de vie par une froide nuit d’hiver.

BG : Pour vous échapper du quotidien ?
SP : La lecture d’abord, je lis beaucoup notamment des romans et j’aime me transporter dans le rôle du personnage central pour être quelqu’un d’autre pendant quelques centaines de pages. Je trouve que le livre est le meilleur outil de l’inclusion. Et aussi les voyages pour découvrir d’autres cultures, pour s’ouvrir aux autres et aussi pour la cuisine. Voyager c’est aussi prendre conscience que la vie c’est une question de chance et de hasard. J’aurai pu naître au Yémen et ma condition aurait été toute autre. Je n’aurai pas pu m’attabler avec un homme, m’habiller comme j’en ai envie, boire ce que j’ai envie de boire. Il faut en avoir conscience. Et puis quand j’ai un coup de blues, je pâtisse ou cuisine et je sais qu’on passera un bon moment à table.

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