Thomas Derichebourg, le goût de la réussite
A 18 ans, Thomas Derichebourg, épris d’indépendance et ne souhaitant pas rentrer immédiatement dans le groupe familial dirigé par son grand-père et son père aux personnalités hors normes, décide de mener sa barque, en solitaire et loin de la Famille.
Passionné par les mots et la littérature, il rentre au Cours Florent, dans la classe libre (avec des professeurs renommés comme : Francis Huster, François Florent…) et se lance dans le théâtre. Il commence à jouer dans plusieurs pièces et plusieurs théâtres comme L’Odéon et la Comédie Française et s’essaie au cinéma dans des seconds rôles de films populaires comme « Tanguy » et « Podium ».
A 30 ans et avec une personnalité affirmée, il décide de rejoindre l’entreprise familiale.
BG : Il y a 17 ans, vous rejoignez le groupe familial Derichebourg. Quel a été le déclencheur ?
THOMAS DERICHEBOURG : Vers 30 ans, je devais faire un choix : poursuivre ma carrière artistique ou rejoindre l’entreprise familiale fondée par mon grand-père. J’ai pris seul la décision, avec l’ambition de réussir et de prouver que j’étais capable de poursuivre la lignée familiale.
BG : Parlez-nous de cette véritable saga Derichebourg…
TD : Mon grand-père crée l’entreprise en 1950. C’est un autodidacte. Pour gagner sa vie, il a commencé par le débarras des caves, un métier bien peu honorifique. Il était, ce qu’on appelait à l’époque, un chiffonnier… Mon père le rejoint, certificat d’études en poche, ils achètent un deuxième camion. L’un comme l’autre a la rage au ventre, l’envie de réussir, de bâtir et d’entreprendre, quoi qu’il arrive. Avec mon frère, nous avons grandi dans cet univers « d’acharnés du travail ». Mon père a eu la vision de la gestion du déchet, et petit à petit, ils ont investi jusqu’à construire un empire en quelques dizaines d’années. A 18 ans, j’ai choisi de mener ma vie en dehors « de leur giron ». C’étaient des dinosaures. Je ne voulais pas devenir, en rentrant dans le Groupe, qu’un simple exécutant. Passionné par l’art, je me suis lancé dans le théâtre, un métier où « l’on est sa propre locomotive ». Il n’y a pas de cadre comme dans l’entreprise. Je gagnais ma vie. J’ai commencé à avoir une toute petite notoriété dans ce milieu et j’ai fait la bascule pour rejoindre l’aventure familiale. Pendant quelques années, j’ai pratiqué tous les métiers à l’intérieur du Groupe pour comprendre, analyser et être capable de pouvoir participer au développement et à la réussite de l’entreprise familiale.
BG : Présentez-nous Derichebourg aujourd’hui…
TD : Nous avons deux groupes d’activités :
• Derichebourg Environnement, dont je m’occupe, spécialisée dans le recyclage des métaux ferreux et non-ferreux, fers et le service aux collectivités, avec la gestion des déchets. Nous sommes présents dans 14 pays et réalisons 3,7 Milliards d’euros de chiffre d’affaires.
L’autre branche :
• Elior Groupe, née de la fusion entre Derichebourg Multiservices et Elior, est gérée par mon père Daniel et mon frère Boris. Cela concerne la restauration collective et tous les services associés du Facility Management, soit 12 métiers.
Deux grands secteurs, très différents l’un de l’autre, qui rassemblent au total 140.000 collaborateurs et réalisent aux alentours de 10 Milliards d’euros de chiffre d’affaires.
BG : Derichebourg Environnement que vous dirigez est en fait le métier d’origine ?
TD : Oui. Mon père voulait faire reposer le Groupe « sur deux jambes » : l’environnement est très cyclique et dépend chaque mois du cours de la matière. Il a donc opté pour le métier du multi-services, plus résilient.
BG : Quelles sont les valeurs essentielles pour vous ?
TD : Je suis très orienté sur le développement et sur notre poumon : nos collaborateurs. J’ai gardé du théâtre la valeur du collectif : avancer ensemble. La réussite est toujours collective. Je suis comme un chef d’orchestre. Je n’ai pas besoin de briller. Je préfère que les gens qui m’entourent révèlent leur talent et leur personnalité. D’ailleurs, ils sont très doués. Derichebourg est une famille. C’est ce qui entraîne au quotidien l’ensemble de nos collaborateurs. La famille, c’est notre moteur…
La réussite est toujours collective. Je suis comme un chef d’orchestre. Je n’ai pas besoin de briller.
BG : Quelle est, selon vous, la première qualité d’un dirigeant ?
TD : L’humilité, savoir écouter, travailler et travailler ensemble ? On ne peut pas être seul. Pour prendre les bonnes décisions, il faut les partager avec ceux qui font l’entreprise et en qui nous avons confiance.
BG : Votre plus beau succès ?
TD : Être passé d’un métier solitaire à cette dynastie familiale et partager la réussite et le quotidien avec mon père et mon frère.
BG : Votre métier est très en vue aujourd’hui auprès de toutes les générations, alors qu’il était peu valorisé jusqu’alors ?
TD : Oui, c’est un métier qui est toujours le même, mais qui a acquis ses lettres de noblesse avec le temps et la prise de conscience de toute la population pour la préservation de notre Planète. Nous sommes tous concernés et nous devons tous adopter les bons gestes.
BG : En 2018, vous opérez une diversification familiale en vous lançant dans le vin en sachant que cela n’a rien à voir avec votre groupe industriel mais plutôt une passion familiale qui reste dans la famille. Quel a été déclencheur ?
TD : Nous sommes alors sponsors du Club de rugby de Brive-la-Gaillarde et je croise un ami qui nous propose d’acheter un domaine en difficulté à Meursault. J’ai découvert cette pépite et d’autres opportunités ont suivi entre 2018 et 2022. Aujourd’hui, la Famille possède cinq domaines qui avaient tous en commun d’être en perte d’activité. Il a donc fallu remettre à niveau, recruter les talents. C’est un métier très artisanal qui exige de la rigueur et de la patience.
BG : Ce sont deux universtrès éloignés… Réalisez-vous des ponts entre eux ?
TD : Non, j’ai deux casquettes. Avec Derichebourg Environnement, nous sommes dans un monde industriel avec le savoir-faire de nos équipes opérationnelles. Et le monde du vin, un univers de plaisir, très artisanal avec un autre environnement et une mentalité totalement différente.
BG : Quelles sont vos motivations pour ce nouveau rôle de viticulteur ?
TD : Ce n’est pas un nouveau rôle et je ne suis pas vigneron. Je suis passionné par le monde du vin, de la terre et de la nature, l’humilité du quotidien dans lequel ce métier se vit en fonction des éléments climatiques. On est dans la simplicité du terroir, contrairement à tout ce que je peux vivre dans notre multinationale qui est toute aussi passionnante, mais très différente dans son mode de fonctionnement.
BG : Quels sont vos cinq domaines viticoles ?
TD : Le domaine Guy Bocard à Meursault, 5,7 hectares avec des parcelles prestigieuses comme les Charmes et les Genevrières ; deux domaines à Nice, le Château de Crémat et de Domaine de Toasc tous deux sur l’AOP Bellet, confidentiels avec des cépages très spécifiques, très endémiques, très terroir, comme la Folle Noire ou le Braquet ; également deux domaines dans le Bordelais, le Château La Rose Pourret à Saint Emilion, et le Domaine de Bourgie, un Pessac- Léognan.
BG : Vous trouvez le temps de mener vos deux activités ?
TD : Oui bien-sûr, mais ma principale activité reste celle du Groupe Derichebourg. Je me suis organisé, afin que les domaines viticoles s’autogèrent avec un Responsable et un Maître de chai et ne nécessite pas une implication quotidienne de ma part. Il faut savoir s’entourer des meilleurs et faire confiance et comme on dit : « la confiance n’exclut pas le contrôle ». En définitif, cela me prend peu de temps.
BG : La table a-t-elle un rôle important dans votre métier ?
TD : En France, nous faisons beaucoup de repas d’affaires autour d’un déjeuner ou d’un dîner. C’est typiquement français. L’art de la table … Mais c’est aussi le reflet de notre gastronomie territoriale très riche en fonction de nos régions que le monde entier nous envie (je suis très chauvin là).
BG : Vos vins préférés ?
TD : J’aime beaucoup le Bourgogne, le Bordelais, les liquoreux comme le Sauterne, les vendanges tardives de Gewurztraminer et surtout les vins de nos domaines.
BG : Comment avez-vous découvert les vins de Nice dans les collines du Bellet ?
TD : Nous sommes très présents à Nice avec le Groupe et un matin j’ai lu, par hasard, une annonce dans Nice Matin pour un domaine viticole en dépôt de bilan. C’est ainsi que j’ai découvert la plus petite AOP de France (60 Hectares) sur les hauteurs de Nice et nous avons acquis le Château de Crémat.
BG : Vos plats préférés ?
TD : Aux grandes tables, je préfère les bistrots et les tables où l’on travaille les produits de nos régions, où règne la convivialité et où l’on mange de bons plats traditionnels. J’aime le terroir, l’authentique, la cuisine simple et les plats de nos grands-mères…
BG : Votre recette du succès ?
TD : Il est toujours compliqué de parler de « succès ». Le succès serait plutôt pour un acteur ou une actrice. Pour un entrepreneur, l’on parlerait plutôt de « réussite » … Mais bon, que veut dire réussir ?!